Jour 4602. 4563g164cm. 06012010f.47°40"N / 07°20"E.
Le tissu bleu glisse entre ses
doigts. Ses pieds dans une flaque et ses cheveux soulevés par le vent glacé de
ce matin de janvier, elle n’a que cette étoffe pour se rassurer. Myriam est une
jeune fille de treize ans que tout bouscule. Persuadée que personne ne peut la
comprendre, elle garde le silence en toute situation, sauf quand se taire
pourrait lui porter préjudice. Elle se rend ce matin dans son collège et c’est
pour elle une torture du quotidien. Chaque matin, l’idée de quitter le doux
cocon familiale est un supplice. Dès la porte de l’appartement passé, elle se
sent en danger. Le pire est l’arrivée dans la cour. Toujours seule, elle ne
sait pas où se mettre. Elle a trouvé une place sous le préau, près de la porte
d’entrée et elle y attend chaque matin une bonne vingtaine de minutes que le
concierge ouvre le bâtiment. Les yeux moqueurs de tous les autres semblent
braqués sur elle et elle égraine mentalement les secondes qui la séparent de
l’ouverture de la porte. Ce matin, le froid et l’humidité
rendent cette épreuve plus difficile encore. Elle est sur le trottoir, l’arrêt
de bus derrière elle et dans quelques minutes, le bus qui va la mener vers sa
journée va arriver. Et elle glisse entre ses doigts l’étoffe d’un bleu
électrique qu’elle a nouée autour de son cou. Ce simple geste semble illuminer
son visage alors que les bourrasques froides essayent de s’introduire entre
elle et ses vêtements. Elle a reçu ce foulard à Noël. Et
chaque fois qu’elle sent la douceur du tissu sur sa peau, c’est un instant de
cette journée qui revient à elle.Elle
revoit les lumières, les décorations qui avaient envahi chaque recoin de leur
petit salon. L’odeur des pâtisseries avaient alors empli toute la maisonnée. Il
y avait aussi cette chaleur, cette douceur omniprésente. Elle avait passé
l’après-midi pelotonnée dans un fauteuil, sous une couverture, à dévorer un livre
d’Ysabelle Lacamp. Puis elle avait aidé sa mère à mettre la table. Pendant ce
temps là, son père et sa petite sœur s’était cachés dans une chambre pour
emballer les derniers cadeaux. Puis, ils avaient mangé, elle ne se souvient pas
du menu, elle sait juste que c’était bon. Et ava,t de passer au dessert, ils
avaient quitté la table pour se retrouver autour du sapin et ouvrir avec joie
les cadeaux. C’est alors qu’elle avait découvert le cadeau de sa mère. C’était
la première fis qu’elle ne recevait pas un jeu ou un livre. Elle s’était sentie
comme une jeune femme. Elle a de cette soirée le souvenir d’un moment chaud et
doux. Avec sa famille, tout est simple, elle peut être elle-même. Dès qu’elle
s’en éloigne, tout semble l’accabler. Le monde du dehors est agressif avec
elle. Ce matin, en montant dans le bus,
elle voit Selin assise seule. Selin est une fille de sa classe aux yeux bleus
et à la peau mate, aussi discrète qu’elle mais toujours souriante. Ce matin,
Selin lui fait un signe. Myriam s’approche d’elle et accepte de s’asseoir à
côté d’elle. Elle fait glisser le tissu bleu entre ses doigts. Selin lui dit
qu’elle a un joli foulard. Myriam sourit.